Après avoir vu le saccage du studio de l'Equipe TV par certains handballeurs français au soir de leur victoire olympique, nous publions de nouveau l'article que nous avons mis en ligne le 30 juin. En ajoutant cette question : combien de colonnes et d'heures d'antenne ferait la presse si les saccageurs avaient pour noms Nasri, Ben Harfa, Menez et Benzema ? Il est temps que Didier Deschamps aille mettre de l'ordre dans l'équipe dite des "experts". Ou des "barges"...
Quand l’accessoire cherche à masquer l’essentiel
Faire des footballeurs français des boucs émissaires évite de s’attaquer aux racines du mal.
D’accord, Nasri, Ménez, Ben Harfa et M’Vila ont manqué de respect, d’éducation voire d’intelligence mais arrêtons le lynchage verbal contre des joueurs encensés régulièrement et démesurément par la presse, et admirés aveuglément par des foules de supporters qui s’identifient aux champions.
Même s’il condamne les propos injurieux et le comportement des « stars » (il ne s’agit pas de les excuser ou de les juger irresponsables), le Centre d’Analyse Critique du Sport pense qu’il est temps de s’interroger sur l’essentiel et non plus sur l’accessoire.
Les moralistes de tout poil doivent répondre aux quelques questions suivantes :
. Est-il plus immoral de dire « fils de pute » que de ne dire aucun mot en faveur de la libération de Ioula Imochenko et de tous les opposants politiques en Ukraine?
. Pourquoi les médias, tous les laudateurs du sport (hommes politiques, intellectuels, journalistes, etc.) mais aussi les non-sportifs ne s’interrogent-ils avec autant de zèle sur le poids de l’argent, les salaires mirobolants, l’endettement des clubs, les paris truqués, la violence, le dopage, le racisme, le chauvinisme, le nationalisme du sport en général et du football en particulier ?
. Peut-on encore faire croire que le sport est « hors sol », hors société alors qu’il est, à l’évidence, un phénomène majeur des temps modernes, un fait social total aux multiples implications politiques, économiques, idéologiques et culturelles ?
. L’attitude des footballeurs (et de beaucoup d’autres sportifs) ne doit-elle pas nous obliger à réfléchir sur le mythe de l’idéal sportif, le mythe du sport éducatif, le mythe de l’âge d’or ? En sport, on parle trop souvent de ce qui n’existe pas (la beauté, la pureté, la loyauté, l’élégance, l’amitié, le respect, etc.) pour éviter de parler de ce qui existe.
Où est l’esprit sportif dans cette compétition des égos (et non des égaux) ? Ne faut-il pas se rendre à l’évidence : le sport n’est ni « une éducation en soi », ni un « outil de citoyenneté ». Et puis, était-ce vraiment mieux avant ? A quelle date remonter pour trouver ce sport chevaleresque et désintéressé dont certains nous parlent aujourd’hui ? Que disait Cantona devenu icône à propos des « journaleux de L’Equipe » : « Je leur pisse à la raie ». Que disait le regretté Thierry Roland dans trop de ses commentaires : « M. Foot vous êtes un salaud ». Exemplaires les anciens ? Qui s’est insurgé, qui a sanctionné ?
Les footballeurs n’ont pas le monopole de la vulgarité et de l’injure (1). Les dirigeants ne sont jamais en reste y compris le « sympathique loulou Nicollin » (les rondeurs et la gouaille rendent sympathique !) affirmant après France-Espagne : « On n’a pas assez de couilles et onne les bouge pas comme il faut ». Quelle hauteur de vue !
Les quatre ou cinq joueurs visés sont les boucs émissaires d’un monde (le sport) qui prêche des valeurs qu’il ne porte pas (aujourd’hui comme hier). Que disait Coubertin si souvent cité et si peu lu ? Qu’il ne faut pas confondre la culture physique et la culture morale, que l'homme sportif n’est pas acquis à la vertu. Dans un article de 1910, il écrivait : «Tout cela repose sur une confusion entre le caractère et la vertu. Les qualités du caractère ne relèvent pas de la morale ; elles ne sont pas du domaine de la conscience. Ces qualités, ce sont le courage, l'énergie, la volonté, la persévérance, l'endurance. De grands criminels et même de franches canailles les ont possédées. Elles seront aussi bien employées à faire le mal qu'à faire le bien”.Il ajoutait en 1914 : «Méfiez-vous de la presse. Qui pourrait lui reprocher d'avoir cent voix puisque tel est son destin ? Mais quand il s'agit de l'athlète, les cent voix éveillent en lui de redoutables orgueils qui corrompent son idéal et abaissent son caractère».
En s’attaquant à quelques “petits merdeux” et “brebis galeuses”, beaucoup de monde cherche à se disculper et à innocenter l’institution. Les donneurs de leçons doivent, eux aussi, rendre des comptes.
Michel Caillat
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(1) Les basketteurs d’Orléans battus par Chalon-sur-Saône (81-83), en demi-finale de Pro A n'ont pas digéré certaines décisions arbitrales et l'ont fait savoir sur Twitter après la rencontre. "Cinq majeur de Chalon ce soir: Viator en 1, Mateus en 2, Difallah en 3, Schilb (la baltringue) en 4, et Aminu en 5. MVP du match M. Viator !", a ainsi pesté le meneur orléanais Yohann Sangaré (M. Viator était l’arbitre). "J'ai l'impression de m'être fait violer" a lâché l'intérieur Georgi Joseph. Si Nasri ou Ménez avaient dit ça…
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