jeudi 29 décembre 2011

samedi 17 décembre 2011

jeudi 8 décembre 2011

Monsieur Aulas, l'indomptable
   Une élimination en Ligue des Champions aurait coûté très cher à l'Olympique Lyonnais et à son Président qui envisageait déjà de vendre quelques joueurs. L'indomptable M. Aulas semble avoir fait le nécessaire pour que la "catastrophe" ne se produise pas.
   On ne va pas lui imputer la victoire du Real sur le terrain de l'Ajax 3-0 même si le score semble bien lourd, mais gagner 7-1 à l'extérieur en marquant six buts en 45 minutes avec le triplé le plus rapide de l'histoire (!) peut laisser perplexe. Les Lyonnais, pourtant privés de Michel Bastos,  n'avaient pas montré depuis le début du championnat une telle force et un tel brio hors de leurs bases et même à Gerland.
   Non, ne me faites pas dire ce que beaucoup de monde pense en ce lendemain "d'exploit historique" : "Mieux valait pour M. Aulas tout faire pour gagner le match par une marge rarement vue que de perdre des millions dans l'élimination".  M. Aulas n'est pas un tricheur et un calculateur ; il est, à l'image de son équipe, un indomptable.
   Mais avouez tout de même que le scénario est trop idéal (certains diront invraisemblable voire absurde) pour ne pas soulever des questions. Et pourquoi pas, conduire à l'ouverture d'une enquête. Si Lyon avait été le perdant d'un tel scénario, le Président, mais aussi toute la presse française, s'enflammeraient et rappelleraient quelques grands précédents.
   On pourrait peut-être demander à M. Havelange, président de la FIFA (Fédération internationale de football) de 1974 à 1998, de conduire l'enquête. Il  a désormais du temps libre ; il vient de démissionner du CIO dont il était membre depuis 48 ans (en respectant évidemment l'esprit olympique) pour des soupçons de corruption...
   Cela dit débattre sur le résultat de ce match est sans grand intérêt. Il ne peut y avoir que des soupçons et quelques présomptions qui ne suffisent pas à établir une preuve (1). Dans quelque temps (semaines ou années), si un joueur parle, on en saura peut-être davantage. Surtout si l'on retrouve de l'argent au fond d'un jardin... Pour l'heure, le sport mérite d'autres débats plus sérieux et souvent plus graves. Mais qui veut les ouvrir ?
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(1). Certains arguments ont de quoi "amuser". On nous dit par exemple que Lyon n'a pas d'argent. Faut-il être un grand analyste financier pour tenir le raisonnement suivant : 1er cas : vous gagnez 2-0, vous êtes éliminés et vous estimez immédiatement la perte à 30 millions. 2ème cas : vous gagnez 7-1 et vous allez gagner les 30 millions prévus dans quelques semaines. Vous faites quoi ? Vous dites à vos amis du camp adverse : au mois de mars, vous toucherez 10 millions d’aide fraternelle pour vous remercier de vos bons et loyaux services. Et vous avez empoché 20 millions au passage ! Si vous gagnez la Coupe d’Europe, vous pouvez même faire un geste supplémentaire...


 

mardi 1 novembre 2011

Parole unique et pensée unique
Y.  Noah, le discours de sens commun et la complaisance journalistique

Yannick Noah a donné une interview le 30 octobre sur France 2 dans l’émission Stade 2. Sur le site de la chaîne publique, la vidéo apparaît sous le titre « Pas de langue de bois pour Yannick Noah ». En vérité le propos de l’ex tennisman reprend le discours de sens commun et donne un bel exemple de la langue de bois des sportifs. Nous avons retranscrit l’entretien en ajoutant de brefs commentaires qui font bien comprendre que tout discours sur le sport mérite l’analyse. Le sport dans sa pratique comme dans ses paroles n’est ni neutre, ni anodin.

1er plan – Noah chante pour les jeunes de Gigondas.

Le journaliste (Clément Meunier) expose le sujet - La personne préférée des Français éduque et enchante près de 3000 jeunes dans les cités depuis près de 16 ans par le tennis. Le sport, ses valeurs, deux notions qui lui tiennent particulièrement à cœur.

Commentaires – L’affirmation de 200 jeunes éduqués par an semble aller de soi. Quelle éducation ? La remarque du philosophe allemand Theodor Adorno « la compétition est au fond un principe opposé à une éducation humaine » ne mérite t’elle pas d’être ici débattue ? Que disent les études sur le sport facteur d’intégration ? Les expériences multiples de sport dans les banlieues (exemple : les opérations anti été chaud lancées par la gauche à peine arrivée au pouvoir en 1981) ont-ils été couronnées de succès ? N’alimente t’on pas une fois encore le mythe du sport remède aux maux de la société ?

Plan sur une affiche où l’on parle ainsi de Yannick Noah (YN) : « Investissez avec lui dans Fête le mur et associez votre entreprise à son image ».

YN parle : «  C’est important pour les enfants de pouvoir, à travers le sport, rencontrer des copains, apprendre la notion de partage, d’équipe, de respect de l’adversaire. Il y a plein de choses qu’on peut faire passer avec le sport.

 « C’est pour ça que je suis partisan de faire beaucoup plus de sport dans l’Education que ce soit au lycée, à l’école, pour que dans l’esprit des gens il y ait plus de sport pour les gosses.

Commentaires – Les valeurs proclamées sont-elles les valeurs réelles ? Qui a déjà rencontré l’idéal sportif sur les terrains ? Que fait-on passer avec le sport dit de compétition (à ne pas confondre avec l’activité physique) ? Ne distille-t-il pas à flots les valeurs de l’ordre établi en leur donnant une existence pratique quasi naturelle. N’est-il pas un moyen d’exacerber l'individualisme et le mérite personnel, de promouvoir l'idéologie du don, le culte du chef, de faire l'apologie du rendement, du travail libérateur, de la douleur et de la souffrance, et de rendre acceptable l'inégalité, le cynisme du plus fort, le mépris des faibles, l'âpreté au gain ? Qui a  en mémoire les rapports sur la casse sportive chez les jeunes (l’ESIP*) ou sur le lien « plus de sport, plus de violence chez les jeunes » ? 
* Entraînement sportif intensif et précoce

YN : « Je suis d’autant plus certain de ça que je l’ai vécu. Je sais qu’à travers moi et mes convictions, j’ai fait vivre ça à mon fils que tout le monde connaît maintenant. C’est magique de voir le gamin qui a toujours rêvé d’être Michael Jordan.
Commentaires – Que faut-il penser de l’idéologie du vécu ?

Incrustation d’une interview de Joaquim Noah à l’âge de 12 ans qui confirme son désir de devenir M. Jordan

YN : « Tu te dis, il y a des choses très très fortes qui se passent au-dessus de nous parfois quand je vois qu’il joue maintenant dans cette équipe des Chicago Bulls. C’est incroyable »
Commentaires – L’ascension sociale grâce au sport n’est-elle pas un miroir aux alouettes ? Combien de prétendants ? Combien de J. Noah ou de K. Benzema ? Combien de laissés pour compte ?

Incrustation d’une interview de Joaquim Noah à l’âge de 15 ans qui insiste sur l’aide de son père surtout sur l’aspect mental

YN. reprend : « Je suis un bon coach, j’essaie d’être un père décent. Bien sûr que j’aidais mon fils, bien sûr que tous les papas doivent aider leurs fils et tous les tontons doivent aider leurs gamins.
Commentaires – Et les mamans et les tatas ?

« Et le gamin à 10-11 ans, il a besoin de photos, d’images, de héros, de champions qui nous ont fait rêver un moment, comme les champions du monde de foot (Incrustation de Zidane). Ca c’est fini. Des milliers de gosses vont se mettre au rugby maintenant. Tout ça est lié. Le travail qu’on peut effectuer dans les cités avec le sport et cette passerelle avec les champions.
Commentaires – Est-ce un besoin ? N’est-il pas créé ? Que penser de l’identification des enfants (et des adultes) aux champions et à leurs « valeurs » ?

Le journaliste – Et nos champions de tennis, les Gasquet, Montfils, vous les regardez ?

YN : « Non je ne regarde plus ce qu’ils font. Djokovic-Nadal c’est une autre dimension mais un match de tennis ce n’est pas que des balles frappées. J’aimerais bien entendre la voix des uns et des autres. Fédérer ça fait dix ans qu’il domine le tennis mondial et à part 2 ou 3 conférences de presse tu ne sais pas qui c’est. C’est frustrant ».
Commentaires – Ne disait-il pas plus haut que le sport forgeait l’esprit d’équipe, le respect ? Le tennis qu’il « enseigne » n’est-il pas, il est vrai,  un sport très individualiste ?

Le journaliste – Tennisman, chanteur et demain quoi, la politique ?

YN : « La politique est quelque chose qui ne m’intéresse pas du tout. Il y a un passage obligatoire qui ne correspond pas à ma façon d’être. Moi j’essaie d’être à peu près intègre et je suis un mec qui ne va pas passer son temps à serrer les paluches »
Commentaires – En cherchant un peu dans le passé ne trouverait-on pas des propos très politiques de YN ? Aller jouer en Afrique du Sud au temps de l’apartheid n’était-ce pas politique ? N’a-t-il pas une vue simple voire simpliste (et très populaire voire « populiste ») de l’homme politique nécessairement peu honnête et se limitant à serrer des mains ?

Le journaliste évoque alors de récents propos de David Douillet peu gentil avec Noah qui répond : «  Rien ne me choque dans ce que dit Douillet. Ca ne compte pas pour moi. J’aurai l’occasion de lui répondre. J’ai quelques fiches » (sourires).
Commentaires – Quelles fiches ? Faut-il voir là  des menaces ?

Le journaliste – Ce n’est pas évident en ce moment avec votre position ambiguë avec le fisc. Ca vous a embêté

YN : « Non, non, je règle ça. Si je dois de l’argent je vais le payer. Si je ne le dois pas, je ne le paierai pas. Ce sont mes oignons et je ne vois pas tellement le rapport avec le sport ».
Commentaires – Voilà plus de 15 ans qu’il hésite entre payer et surtout ne pas payer ! Quel lien avec le sport ? Facile à trouver. Les services de Bercy ne lui reprochent-ils pas d’avoir continué à résider majoritairement en France en 1993 et 1994 - où, selon le Canard enchaîné, il possédait 17 comptes bancaires - alors qu'il s'était fait domicilier en Suisse ? N’était-il pas encore dans le monde du sport même s’il avait arrêté sa carrière en 1991 avant un bref retour en 1995 ? (Parenthèse : combien de joueurs parmi les dix premiers français sont aujourd’hui domiciliés en Suisse ? Il faut vérifier mais la réponse serait 9 !)

Le journaliste – En tout cas aujourd’hui, vous êtes toujours satisfait d’être la personnalité préférée des Français

YN : « Je suis content quand quelqu’un vous dit je vous aime. Il va juste falloir assumer »

Le journaliste – C’est la folie au PSG avec Pastore ça doit vous plaire

YN : « Un club se crée à Paris avec des fonds étrangers c’est super. Je suis content, je suis content pour le public. A nouveau au Parc on va gagner un peu des matches. Le stade vibre et des gens repartent heureux. C’est ça le sport ».
Commentaires – S’interroger sur le sport et l’argent, le sport et les phénomènes de foules, le sport comme moyen d’évasion pour une large partie de la population qui souffre de plus en plus, ne semble pas l’intéresser. Est-ce trop politique ?... Il est à noter qu’un sportif est toujours content pour le public (combien de fois par semaine entend-on cette formule « faire plaisir à notre public ») mais que sait-il de la vie de son public ? Et qu’en pense ledit public ? 
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lundi 31 octobre 2011

Sur le chemin des échotiers...

A lire dans la page "Au fil de l'actualité"

. Noah, ses amis journalistes ou les très mauvais exemples
. Douillet, les mathématiques et la misogynie
. Zidane retourne à l'école

mercredi 14 septembre 2011

Des commentaires...

Sur l'Arena
   L'idée de bâtir une Arena sur le rivage sableux de la Loire était étymologiquement intéressante! Un projet "sportif" sur un site naguère dévolu à la pharmacie... cela parle également à l'imagination!
   Mais revenons à l'essentiel. Le dossier que présente le CACS est très éclairant et mes amis du Groupe d'Action Municipale d'Olivet ont décidé de prendre part au nécessaire débat public en le reprenant sur leur propre blog en regrettant que, dans l'affaire, les habitants des communes périphériques et de l'AgglO, hors Orléans, soient réduits au statut de chalands d'une zone de chalandise qui n'ont pas leur mot à dire sur un projet qui aura cependant un impact sur leurs déplacements, leurs activités et, n'en doutons pas, leurs finances.
                                                                               Jean-Christophe Haglund

samedi 9 juillet 2011

Le dossier : « Orléans et la folie Arena »

  La ville est prête à investir - avec l’aide de la région et du département - plus de 100 millions d’euros dans une salle réservée à une équipe d’élite. Les contribuables paieront. Ce projet fou semble pourtant aller de soi.

   Or, un équipement sportif ne résume pas à un toit pas plus qu’un match de basket ne se résume à l’opposition de 10 joueurs. Derrière, il y a de l’économie, du politique, du social, de l’idéologique. C’est dans ce cadre qu'il faut étudier le dossier Arena qu'on peut qualifier sans attendre par ces "3 D" : déraisonnable, démentiel et dangereux.

   Vous trouverez les éléments essentiels du dossier en cliquant sur l’onglet « Grande salle Arena » ci-dessus. Nous attendons vos commentaires relatifs à ce projet sur ce blog ou à l'adresse suivante : lecacs@live.fr



mercredi 6 juillet 2011

ANNECY a perdu. Quelle belle défaite !
Ce qui était espéré est arrivé. La Haute-Savoie a subi un cuisant revers. Radio France aussi.
   Le 6 juillet, le CIO a désigné Pyeongchang comme ville organisatrice des Jeux d'hiver de 2018. La cité coréenne a été choisie à la majorité absolue des 95 voix participantes lors du premier vote. Elle a obtenu 63 voix, contre 25 pour Munich et seulement 7 pour Annecy, les deux autres villes candidates. La défaite savoyarde est cuisante.
   Il reste à faire le bilan économique (lourd) et médiatique (accablant) de la candidature savoyarde. En parrainant Annecy 2018, Radio France a fait taire ses journalistes. Qui peut dire le contraire ? Contre vents et marées de censure, il a fallu, au cours des vingt derniers mois, beaucoup de forces au Comité anti olympique pour continuer le combat et engager de vrais débats sur les "valeurs" de l'Olympisme et son idéologie . Le service public dit d'information ne sort pas grandi de l'opération.

lundi 4 juillet 2011

           ANNECY doit perdre. Vive la défaite !
Ce qui était promis économiquement en 2004 à Athènes et à la Grèce l'est aujourd'hui à Annecy et à la France. Voilà qui devrait faire réfléchir...
  Pour des raisons politiques, économiques, écologiques, idéologiques et culturelles, il faut dire NON aux Jeux Olympiques d'Annecy.
   Mercredi prochain 6 juillet, le CIO désignera la ville organisatrice des Jeux d'hiver de 2018. 
                                 La défaite est impérative.
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* Pour en savoir plus, allez sur le site du Comité anti olympique d'Annecy (CAO) qui a fait un travail remarquable. Si vous souhaitez recevoir régulièrement la lettre d'information du CAO, faites-en la demande par mail à l'adresse suivante : contact@comiteantiolympiqueannecy.com ou directement sur la page Contact du site.

vendredi 24 juin 2011

Le sport, l’hypocrisie et l’éternel double discours
Les amoureux ou non du sport dénoncent en permanence son invasion par « l’argent fou » mais soutiennent aveuglément les projets démentiels où l’argent coule à flots. Plus on le dénonce, plus il y en a ! Le sport où l’art du double discours…

   Vous les entendez tous ces amoureux ou non du sport pousser des cris d’orfraie devant l’argent fou. Leur discours irréaliste est bien huilé « Le sport ce n’est pas ça. Le sport c’est les p’tits clubs, les bénévoles, le jeu, la distraction entre copains ».

   Vous les entendez les mêmes amoureux ou non du sport s’enthousiasmer quand le groupe Al Jazeera devient un nouveau diffuseur héritant d’un lot à 90 millions d’euros, Canal Plus s’octroyant les quatre premiers lots pour la modique somme de 420 millions. Vive les gros investisseurs s’exclament ceux qui combattent l’argent fou.    

   Avec son aplomb habituel et son éternel double discours, Frédéric Thiriez, le président de la ligue de football professionnel voit là une merveilleuse chance pour le football (et bien sûr pour les petits clubs, ceux qui comptent !) : « "L'arrivée d'Al-Jazeera représente une très belle opportunité d'exposition au football français. D'autant plus que cette offre est innovante et sera une nouvelle manière de consommer le football". Vous pensiez qu’on jouait au foot ? Non non, on consomme le football ! La mauvaise foi est sans limite. Tous les sportifs et non-sportifs matraqués quotidiennement par le discours idéaliste oublient que le sport n’échappe pas au système qui l’a enfanté, un système dominé par l’argent et basé sur la loi du profit.

  Les amoureux du « petit sport » vous les entendez aussi à Orléans s’enthousiasmer devant la prochaine construction d’une Arena de 10 000 places dont le coût est évalué à plus de 100 millions d’euros ! Orléans (150 000 habitants) sera la plus petite ville au monde à posséder une telle enceinte. Le Président PS du Conseil régional promet 12 millions, le Président UMP du Conseil général en promet 10 et tout le monde est content. Le maire UMP attend 20 millions de l’Etat (qui par ailleurs fait des économies en liquidant les services publics et en supprimant en masse les postes de fonctionnaires) et s’engage à faire payer aux contribuables orléanais les 60 ou 70 millions qui restent ! Le consensus lamine toute contestation.  L'indifférence des non-sportifs et l'aveuglement de trop de militants progressistes sont terribles.

   La grande salle qui aura une équipe résidente (Orléans Loiret Basket) symbolise le sport-spectacle et le "sport-fric" que trop de monde combat dans les mots et soutient dans les actes. L’Arena d’Orléans comme le sport en général ne fait pas débat. Le silence complice de l’opposition et la  censure évidente de tout discours critique par la presse laissent le champ sportif hors de toute réflexion. Tous ces amoureux ou non du sport propre, pur, raisonnable (ce sport fictif que personne n’a jamais connu) ne manqueront pas de défendre les sportifs du dimanche qui n’entreront dans l’Arena que pour être des spectateurs passifs et pour vivre par procuration.

   La société sportive refuse toujours d’être blâmée. Les sportifs aimeraient bien dénoncer l’argent fou et les tares originelles du sport mais ne veulent pas en souffrir. Les non-sportifs constatent l’étendue des dégâts sans vouloir faire de la « religion des temps modernes » - le plus grand mobilisateur de foules -  un sujet digne d’être discuté. Décidément, on ne peut pas être sportif ou non-sportif innocemment.

samedi 11 juin 2011

Partenariat et liberté de la presse
La candidature d’Annecy aux Jeux d’hiver de 2018 est parrainée par Radio France 

Journalistes et producteurs de la radio publique

votre liberté d’expression n’est-elle pas menacée ?

L’Olympisme ce ne sont pas des Jeux neutres et anodins. L’Olympisme est une « philosophie de la vie » selon les mots inscrits dans la Charte. L'institution olympique - et son idéologie de la liberté, de la paix, de la fraternité et de la trêve - structure la conscience de centaines de millions d'individus à travers le monde. « Nous dicterons au monde ce en quoi il doit avoir foi » telle est, dès l'origine, la pensée de Coubertin.


  Le PDG de Radio France a signé en décembre 2010 sans  la moindre réflexion sur l’Olympisme et sans la moindre concertation un accord de partenariat avec Annecy 2018 (voir ci-dessous). Une question importante se pose : l’indépendance des journalistes est-elle assurée quand il faut traiter ce lourd dossier des Jeux aux  enjeux multiples et considérables. Pour des raisons économiques, politiques, idéologiques et écologiques, la candidature française doit être mise sérieusement en question.    Le débat peut-il avoir lieu sur les antennes du service public ? Est-ce le rôle d’une radio de service public de parrainer un tel événement ? Qu’en disent les journalistes et producteurs de Radio France ?


 -------------Le groupe Radio France « supporteur » d'Annecy 2018 ----

   Le mercredi 22 décembre 2010 à Paris, Jean-Luc Rigaut, Maire d'Annecy et co-président d'Annecy 2018, et Jean-Luc Hees, Président-Directeur général de Radio France, ont signé officiellement un accord de partenariat entre le Groupe Radio France et Annecy 2018. Radio France devient ainsi « supporteur » de la candidature française à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2018.
   Premier groupe radiophonique français, Radio France s'appuie sur six chaînes complémentaires (France Inter, France Info, France Culture, France Musique, Fip et Le Mouv'), ainsi que sur les 42 stations locales composant le réseau France Bleu.Véritable institution nationale, la première entreprise culturelle française s'engage aux côtés de la candidature en devenant le 5e « supporteur ». Dans le cadre de ce partenariat, Radio France mettra notamment à disposition d'Annecy 2018 de l'espace média sur les antennes de ses chaînes nationales : France Inter et France Info, ainsi que sur le réseau France Bleu dès janvier 2011.
   « Nous sommes ravis de compter parmi nos « supporteurs » un groupe de médias tel que Radio France », a déclaré Jean-Luc Rigaut, Maire d'Annecy et co-président d'Annecy 2018. « Il est primordial pour un projet de territoire et un projet national, tel que celui d'Annecy 2018, d'avoir à ses côtés des partenaires médiatiques. Mais au-delà de l'importante exposition de ce partenariat, la Maison de Radio France représente avant tout pour nous un engagement et une mission commune, celle d'agir et de servir le développement de notre territoire à destination de ses citoyens, avec les valeurs d'une candidature à taille humaine, au cœur des montagnes françaises, dans le respect de son cadre naturel exceptionnel ».
   Pour Jean-Luc Hees, Président-Directeur général de Radio France : « Le groupe Radio France est très heureux de s'engager aux côtés d'Annecy 2018 et de soutenir la candidature française à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2018. Radio France remplit, en matière d'information sportive, un rôle de premier plan : avec près de 50 rédactions et une implantation locale sans équivalent, le groupe dispose en son sein du service des sports le plus important en Europe dans le domaine de la radio. Le sport s'exprime et rayonne sur toutes les antennes qui couvrent l'ensemble des grands rendez-vous sportifs. C'est donc tout naturellement que nous mettons notre savoir-faire au service de ce projet, avec en priorité trois de nos stations : France Inter, France Info et France Bleu. »

lundi 6 juin 2011

Quand les indignés sont expulsés, les sportifs sont appelés à manifester
Pour l'homme, assiégé par la souffrance, l'opium se veut libérateur.
L’opium est la «plante de la joie»
Le sport est le «petit univers de la joie» avec ses «clubs de la joie»

Comme vous le savez sans doute le camp du Capitole a été évacué, et deux semaines d’expression populaire confisquées. Nous étions 200 à nous réunir ce soir, tous un peu secoués, et nous avons dû tirer les leçons de ce coup”. Voilà ce que les indignés de Toulouse écrivaient le 1er juin (le mardi 31 mai, le cabinet du maire avait enjoint aux contestataires de quitter la place du capitole) .
   Parallèlement, deux mille personnes ont assisté le samedi 4 juin au soir, place du Capitole, sur grand écran, à la finale du championnat de France de rugby et la mairie a appelé à un rassemblement de la “population toulousaine” le dimanche 5 juin dans l'après-midi pour fêter l’équipe de rugby dans la joie et la bonne humeur. Des milliers de personnes se sont déplacées. Les démunis, les délaissés, les perdants ont pu ainsi s’identifier aux champions et avoir le sentiment de vaincre, de goûter enfin à la victoire.
   La vie par procuration est-elle une vie ?
   D’un côté la révolte contre l’ordre établi ; de l’autre, le soutien aveugle à l’ordre établi.
   Le sport a toujours été du côté des pouvoirs en place (pas seulement à Berlin en 1936 et dans l’Argentine de Videla en 1978).
   Malheureusement, y compris chez les militants progressistes, le sport reste un sujet tabou, consensuel, intouchable et impensable.
   Il est peut-être temps d’ouvrir les yeux et d’en discuter.
   Il est peut-être temps de penser le sport en le pensant
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A noter.- Ce qui vaut pour Toulouse vaut évidemment pour beaucoup d'autres villes et en premier pour Barcelone. Le 27 mai, les indignés barcelonais ont été évacués manu militari de la place de Catalogne par la police pour laisser la place libre à une éventuelle célébration d'un titre en Ligue des Champions du FC Barcelone. Comme l'a écrit un observateur : "Les "indignés" veulent y croire, mais à Barcelone, le football est tout puissant. La révolution peut bien attendre quelques jours". Messi et ses camarades ont été "dignement" fêtés par près d'un million de supporters...

mercredi 25 mai 2011

De la nécessité de la sociologie du sport

par Michel Caillat

   Deux exemples récents  prouvent la nécessité de la sociologie du sport et de la mise en question du phénomène social majeur de notre époque. Le sport qui sature notre temps et notre espace avec ses discours, ses pratiques et son idéologie mérite mieux que ces incessants et insignifiants bavardages écoutés et lus ici et là.
    Premier exemple : le voyage privé en Tchétchénie d’Alain Boghossian, le bras droit de Laurent Blanc. La Fédération  sermonne le fautif coupable d'avoir participé à un match amical à Grozny (Tchétchénie), organisé par le leader "controversé" de cette République du Caucase russe, Ramzan Kadyrov. Quand on sait que la FFF a cautionné, depuis sa création, tous les voyages dans les pires régimes et en premier le déplacement dans l’Argentine du dictateur  Videla pour disputer la Coupe du monde 1978, le mot hypocrisie semble le plus adapté. Mais surtout, ne le dites pas : le sport est pur, loyal, fraternel et... facteur de paix, d'amitié et de cohésion sociale.
   Deuxième exemple : la double victoire des footballeurs de Lille qui conduit à parler d'Orléans, ville où le maire UMP qui a fait de l’équipe de basket son jouet, a décidé de construire une grande salle Arena. Délire sur tous les plans : plus de 100 millions d’euros pour avoir un équipement qui fera mourir le Zénith situé à deux km et qui fait d’Orléans, ville de 150 000 habitants, la plus petite ville au monde à vouloir ce type de salle. Orléans est au niveau de Londres et Berlin. Quel prestige, quel honneur ! Or, l’opposition se tait depuis près de deux ans ; il est vrai que la région Centre présidée par le “socialiste” François Bonneau, est prête à allouer 12 millions d'euros. Pour la dite gauche, il est sans doute difficile de critiquer l’Arena d’Orléans quand la possible future présidente de la République  “communie” avec les “merveilleux supporteurs lillois” et leur promet le grand stade “générateur d’émotions”, slogan du site lillois qui rejoint d'ailleurs le slogan de l’OLB (Orléans Loiret Basket) “créateur d’émotions”.
   Comme si les slogans et les émotions ne pouvaient pas être discutés.
   Comme si le comportement des foules lilloises en particulier et sportives en général ne pouvait pas être étudié. Toutes les analyses faites sur les foules (de Reich à Chomsky en passant par Canetti) ne valent évidemment jamais pour le sport
   Une question se pose : qui méprise le peuple ? Celui qui lui donne ce qu'il veut ou celui qui croit en ses facultés de comprendre une analyse et de forger son propre jugement ?
   Mais nous avons tort puisque nous voulons réfléchir et dialoguer. On ne dialogue pas avec le diable dit anti sportif qui méprise les gens. Le sport n'est pas un "fait social total" aux multiples implications politiques, économiques et idéologiques. Il est, il va de soi, il est incontournable et indiscutable. C'est le raisonnement général, de l’extrême droite à l'extrême gauche.
   L’Arena – comme le stade de Lille - est un beau projet ; on le financera “coûte que coûte”, tout le monde paiera (petites associations, contribuables) pour encourager le sport spectacle, et pour faire des adorables citoyens-électeurs les spectateurs passifs d’affrontements sublimes entre millionnaires adulés.
    On peut avoir une autre idée de la société. Que dis-je ? Il n’y a pas d’autre société possible...
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(1) L'actualité permettrait de faire état d'autres événements qui mériteraient une analyse. Par exemple le fait qu'une télévision publique  bouleverse ses programmes à 20h le mardi 24 mai pour retransmettre un match du premier tour du tournoi de Roland-Garros opposant un Français évidemment, Gilles Simon, à un illustre inconnu, l'Américain Michael Russell. Ne dites pas que le sport est un opium du peuple, vous seriez immédiatement qualifié de marxiste et banni.

vendredi 13 mai 2011

Le terrible consensus

"Ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue"

                                                                   Simone de Beauvoir
         
Par Michel Caillat

   Le débat sur l’affaire dite des quotas aura permis de voir une nouvelle fois comment le débat sur le sport est esquivé. La communauté sportive a fait bloc pour tenir le discours habituel sur les prétendues valeurs du sport, ses dévoiements et ses excès. Comme nous l’écrivons souvent, “l’amoureux du sport cherche non seulement à ce que le consensus porte sur les valeurs du sport mais aussi sur les frontières qui circonscrivent le débat”. Et les médias dans leur très grande majorité alimentent le discours de sens commun qui plait aux sportifs et n’est que très rarement discuté par les non-sportifs (pour eux, le sport est “hors sol”).
    Le fléau principal n’est pas là où l’on pense : il est dans cette volonté de sauver le football et le sport en toutes circonstances en parlant de perversions, de déviations, de détournements sacrilèges. Or, la question majeure est la suivante : le racisme du sport est-il un détournement sacrilège ou le produit de la pratique sportive (dite de compétition) ? Que nous enseignent l’histoire et la sociologie de l’institution ?
    Le sport ne meurt ni de ses morts ni de son racisme. Pire, il les intègre à son spectacle sans jamais remettre en cause ses propres fondements.
   Nous connaissons la riposte de nos adversaires: “Vous êtes extrémistes”. C’est le seul argument de ceux qui n’en ont pas, et qui refusent consciemment ou inconsciemment tout débat sur le sujet. Pour eux, le sport n'est pas un phénomène social ; il est, il va de soi, il est incontournable et indiscutable.
Nous avons tort puisque nous voulons dialoguer.
   En sport, le scandale est de parler d’un Idéal (l’esprit sportif, l’idéal olympique), cette pure construction idéologique.
    Et ce qu’il y a de scandaleux dans ce scandale, c’est qu’on s’y habitue. On s’habitue au fossé toujours plus grand entre ce qui est et ce qui est dit de ce qui est.
En sport, on s’habitue à la collusion avec les pires régimes (fascisme, nazisme, dictatures), on s’habitue à l’argent fou, on s’habitue aux inégalités scandaleuses, on s’habitue à la casse physique et mentale principalement chez les jeunes, on s’habitue à la tricherie, à la corruption, au dopage, on s’habitue au racisme et au sexisme, on s’habitue au mensonge et aux idées reçues (le sport facteur d’intégration, de liberté, de fraternité, de loyauté, de pureté, etc.), on s’habitue à l’anti-intellectualisme.
   En sport, le scandale est la censure des uns, le silence et l’aveuglement des autres.
   Si tu veux être écouté aujourd’hui il faut créer... le scandale (au sens minuscule de “buzz”). Mediapart a su le faire.
   Débattre sérieusement sur le sport, ses fonctions, ses valeurs, son idéologie, c’est beaucoup moins porteur...

lundi 18 avril 2011

Les dangers du sportisme

par Michel Caillat

En tant que phénomène historique (le sport est né à la fin du 19ème siècle), le SPORTISME apparaît à trois niveaux : il est une idéologie, un mouvement et un système c'est-à-dire un ensemble hiérarchisé d'institutions et de mécanismes de décisions.  

  Le sport est-il un phénomène marginal sans véritable influence sur le climat socio-politique des pays ? Ou au contraire n'a-t-on pas affaire avec lui  à un système de pensée (1) d'une importance inversement proportionnelle à la qualité des études qu'il engendre ?  Le sport ne peut se limiter aux listes de résultats, au nombre de records battus, aux "morceaux de bravoure", aux exploits historiques, aux matches de légende (il y a un match du siècle tous les six mois !), pas même au nombre de pratiquants et de spectateurs conduits par des démagogues particulièrement habiles. La question  du poids de l'idéologie sportiste en France et dans le monde ne peut plus être occultée ; elle est d'autant plus centrale que le sujet est tabou et dramatiquement consensuel.

Faconner le monde

    Fidèle à ses mâitres et ses pionners (Coubertin, Desgrange, Goddet parmi beaucoup d'autres), l'idéologie sportiste se veut génératrice d'une révolution spirituelle et créatrice d'une nouvelle civilisation communautaire où seraient parfaitement intégrées toutes les couches de la société. Le sportisme constitue bien une catégorie universelle qui possède ses variantes : les sportistes orthodoxes, les sportistes réformateurs, les sportistes  hors structure (extérieure, du moins un temps, à l'institution : fédérations, clubs).
   Cette société sportiste n'est pas le champ de bataille où s'affrontent idées politiques et groupes sociaux mais une collectivité humaine et harmonieuse  (l'idéal olympique de la fraternité et de l'amitié) ; elle jouit d'une unité morale dont l'émanation est le gouvernement mondial du sport (le Comité international olympique en premier lieu) et dont la puissance repose sur l'unanimité spirituelle de la masse. Et ce gouvernement (fort peu démocratiquement "élu") est le gardien de cette unité qu'il développe en utilisant tout moyen susceptible de la confirmer : la propagande, les medias-supporteurs, les clubs, l'éducation (sportive plus que physique).
   La mentalité, la sensibilité du sportisme font partie intégrante de notre culture. Le spiritualisme et l'idéalisme qu'il préconise fournissent les moyens d'une révolution, la seule qui puisse ne pas porter les caractéristiques de la lutte des classes : une révolution morale. Le sportisme est le levier d'une transformation profonde des esprits et des âmes, le problème de la décadence étant longtemps resté (il reste encore chez certains fidèles) l'une de ses préoccupations majeures. C'est la raison pour laquelle il faut créer un homme nouveau, porteur de ces classiques vertus que sont l'héroïsme, l'énergie en éveil permanent, le sens du devoir et du sacrifice, et l'acceptation de la primauté de la collectivité sur les individus qui la composent. La toute première des qualités des sportifs est la foi en la puissance de la volonté.
   Le corporatisme sportiste et un gouvernement mondial fort constituent les moyens de cet assaut contre la société morcelée en classes antagonistes, contre le dépérissement de la civilisation. Le sportisme n'est pas qu'une simple forme de chauvinisme et de nationalisme exacerbés ; il constitue un système d'idées organisé pour façonner le monde. La très large et pourtant très impalpable et très souterraine diffusion de ces idées atteste que ses racines sont profondes et son influence considérable.
   Le sportisme qui s'attaque à sa manière au désordre économique et plus encore au désarroi moral propose des solutions de rechange à la lutte des classes : le sport, lieu d'harmonie, comme facteur d'intégration, remède aux fléaux de la drogue, de l'alcoolisme, de l'abus sexuel, du tabac (2). Mais aussi et  surtout comme lieu d'embrigadement d'un peuple unifié (sans distinction de couleur et de statut social) dans le cadre d'un système notoirement autoritaire.
   La recherche de valeurs nouvelles expliquent l'engouement pour les pratiques sportives qu'elle soient dures, molles, fun ou de glisse ! Le sportisme exerce un attrait beaucoup plus profond que ce que voudraient admettre ceux qui pratiquent mais aussi ceux qui regardent le sport, qui en parlent ou qui en subissent l'extraordinaire et inquiétante présence (combien d'heures d'antennes à la radio et à la télévision, de pages dans les journaux?).

Une révolution spirituelle

    Le sportisme, cette profonde révolution morale et spirituelle - Pierre de Coubertin ne disait pas autre chose quand il parlait de la "religion athlétique" et de la nécessité de "rebronzer les corps et les esprits" - impressionne par son omnipotence tranquille et sa capacité à établir un consensus presque total. Tout le monde admire les qualités morales des sportifs : le dévouement, le sacrifice, l'amitié virile, l'élan de ces hommes chargés de toute l'ardeur que donne d'avoir trouvé une foi  et un sens à la vie. Tout le monde applaudit aux performances de cette jeunesse paisible, s'incline devant sa passion fière et dure, sa volonté de grandeur, sa rude noblesse, sa supériorité morale. Le sportisme c'est à la fois un hymne à cette jeunesse bien sage (à 30 ans on est vieux en sport) et la victoire de la force sur ceux qui haïssent l'effort.
  L'anti-intellectualisme et l'idéalisme sont les piliers de ce sportisme qui constitue bien un ensemble idéologique sur la nature duquel il est difficile de se tromper pour peu qu'on se donne la peine d'en déchiffrer le message.  Il doit son rayonnement véritable au fait que de l'essence de ses idées (de sa pensée) participent de vastes secteurs de l'opinion. Les milieux contestataires les plus divers demeurent facilement perméables à l'appel du sportisme ou au moins à certains de ses éléments.  Nombreux sont ceux qui répondent à cet appel d'ardeur juvénile et accueillent avec bienveillance cette religion purificatrice dans un univers économique impitoyable.
   Prenons garde. L'idéologie sportiste (l'idéologie du don, de la compétition naturelle, de la collaboration des classes, le culte du chef, de la discipline, l'apologie de la douleur et de la souffrance, etc.) s'infiltre toujours plus dans la société, remonte à la surface et saisit les leviers de commande. Le sport jouit d'un préjugé favorable et cette bonne dose de sympathie met en marche l'engrenage collaborationniste. Le peu de résistance que rencontre la sportivisation de la planète est lourd de menaces.
   Charles Tardieu écrivait dans un livre paru en 1940 et préfacé par Jean Borotra, alors Commissaire général à l'Education générale et sportive : "Le sport pourrait être pour les jeunes la première école d'application d'une morale générale. Des maîtres avertis et choisis, s'efforceront de créer dans des cerveaux malléables et dociles, jusqu'à l'indépendance de la virilité, une véritable religion nouvelle du sport désintéressé, chevaleresque, discipliné, altruiste (...). Bref, la révolution nationale sportive doit être avant tout une révolution des esprits appuyés sur des méthodes nouvelles" (3). Serait-ce exagéré d’affirmer que ne rien faire et ne rien dire sur les valeurs que le sport véhicule et sur la vision du monde qu'il propose relève, d’une certaine façon, du  "crime d'indifférence”?
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(1) Lire par exemple l' Essai de doctrine du sport publié en 1965 par le parti gaulliste, à l'initiative du Haut Comité des sport. 
(2) Au cours du siècle, on a toujours voulu faire croire que l'on allait résoudre les problèmes sociaux grâce aux clubs sportifs. En 2011, on feint encore de penser qu'on va favoriser l'intégration et diminuer la violence dans les cités en implantant un club sportif ; en 1915, Coubertin déclarait : "J'ai toujours déploré que les sociétés antialcooliques n'aperçoivent pas dans le sport le véritable antidote auquel il convient d'avoir recours dans la lutte contre le fléau".
(3) Charles Tardieu, Le Sport, ta joie, ta santé, Paris, Sequana Editeur, 1940, p 93-94. Sur ce thème général de la Révolution nationale se reporter aux différents ouvrages de l'historien Zeev Sternhell et à son article synthétique et précieux  "Sur le fascisme et sa variante française" paru dans Le Débat n°32, novembre 1984.
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Le dopage n’est pas une perversion du sport

Le départ du prochain Tour de France sera l’occasion, comme chaque année, d’alimenter le mythe du sport enfin pur...

«Il faut être imbécile ou faux jeton pour s'imaginer qu'un cycliste professionnel qui court 235 jours par an peut tenir le coup sans stimulant»,  Jacques Anquetil (1967)

   Comme chaque année, va retentir le 2 juillet prochain en Vendée le couplet sur  le Tour du renouveau, de la sérénité et de la propreté enfin retrouvées. Finies l’ère des Riss, Ullrich, Landis, Armstrong, Contador, tous vainqueurs du Tour et tous soupçonnés ou convaincus de dopage ; cette fois au départ du Passage du Gois, les bonimanteurs de service  (dirigeants et journalistes) joueront leur rôle habituel : distiller le mythe de l’idéal sportif en déclarant vouloir enfin en finir avec le discours sur le sport trahi, le cyclisme meurtri, le Tour de France décrédibilisé. Or, jamais le sport n’a été ce qu’il dit être : l’idéal sportif est une pure construction idéologique. 
  Les produits dopants peuvent être utiles dans tous les sports, de l’automobile au rugby, du golf au football (1). L’erreur serait de croire que seul le cyclisme est touché par le fléau du dopage même s’il est plus facile, dans ce sport plus contrôlé, de trouver quelques exemples pris dans la » légendaire, fabuleuse et merveilleuse » histoire du cyclisme :
   Dans son livre «La tête et les jambes», publié en 1894,  Henri Desgrange parle ainsi à un jeune coureur :  «Quant aux poisons que l'on dénomme kola, coca, je te défends d'y toucher. Quand tout le corps médical réuni viendrait te dire qu'ils produisent des résultats extraordinaires, tu n'en feras jamais usage». Le créateur du Tour de France entrevoyait déjà les dangers...il y a plus de cent ans !
   Dans la présentation du Bordeaux-Paris 1901, le même Henri Desgrange déclare ne pas croire aux chances du pistard Gougoltz : «Il n'y aura pas comme sur les lignes droites d'un vélodrome des amis pour lui passer en temps voulu ce que réclamera son estomac» (des dopants). On parle alors des soigneurs de la piste comme des «chargeurs réunis».
  Victor Linard, champion du monde de demi-fond dans les années 20  (1921.24.26.27) écrit : «Dans l'argot cycliste le doping s'appelle dynamite (…). J'en ai pris durant toute ma carrière, j'en ai pris de quoi faire sauter la Tour Eiffel
  Dans son livre « Le doping ou les surhommes du vélo », Roger Bastide ajoute alors la parole d’un jeune qui avoue : «Ce que nous prenons maintenant, on ne le donnerait pas à un mourant pour le prolonger d'une heure jusqu'à la venue du prêtre confesseur». Bastide s'étonne : «Cela ne vous fait pas peur de jouer ainsi avec votre santé ? Votre vie peut-être ?». Il a ce haussement d'épaules fataliste qu'ils ont tous quand on évoque ce problème ».
. En 1933, notant les défaillances d’un « grand du peloton », Goddet écrit dans L'Auto que ça montre que le coureur «ignore encore tout de l'alimentation»  (déjà l’aveuglement volontaire du journaliste) et Roger Bastide d'ajouter : «Lignes pleines d'enseignements pour le docteur Dumas, par exemple. Il ne manquera pas de penser - tous les signes extérieurs l'indiquent - que les tartelettes au riz et les cuisses de poulets distribuées à nos braves coureurs devaient comporter de bien mystérieux additifs pour les toucher de la sorte au foie et à l'estomac». 77 ans avant la “mésaventure Contador”, la viande fait déjà des ravages...
  Et on pourrait continuer ainsi la longue liste des déclarations  sur le dopage dans le cyclisme (et dans les autres sports): « Demain on court, on fait du sport propre » leitmotiv  bien plus fort mais aussi vain que le célèbre « Demain on rase gratis ».
   Depuis l’origine du sport en général et des courses cyclistes en particulier (fin 19ème - début 20ème siècle), les discours n’ont pas changé. Provisoirement, on peut conclure avec Bastide  : «Le coureur est pris au jeu. De même que ce souverain eût donné son royaume pour un cheval, il est prêt à donner un lambeau de sa santé pour une victoire.
   «Et les organisateurs et les chroniqueurs aussi se prennent au jeu, perdant de vue, dans le lyrisme de l'action, les dangers que présentent «les breuvages magiques secoués dans des bidons». C’est en effet avec la mort que trop de sportifs « jouent ». Le dopage n'est pas une perversion du sport, il est dans sa nature.
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(1). Voir les travaux du Docteur Jean-Pierre de Mondenard et son dernier ouvrage, Dopage dans le football, La loi du silence, Ed. Jean-Claude Gawsewitch, 2010.

mercredi 30 mars 2011

Inégalités exorbitantes et indifférence générale

Les sommes perçues par quelques personnalités du sport sont astronomiques, hors de portée du commun des mortels.  Dans le champ sportif, les scandaleuses inégalités choquent peu de monde... (voir notre rubrique Economie)

mardi 29 mars 2011

"L’esprit du sport" : attention danger !

par Michel Caillat

Comment un phénomène social aussi massif, aveuglément valorisé, peut-il être accepté comme allant de soi ?
   Le sport est omniprésent dans notre vie quotidienne. « Elevé au cube » selon l’expression d’Umberto Eco (pratique, voyeurisme, bavardage) avec ses compétitions généralisées, « briseurs de soucis », ses foules à l’état pur vivant par procuration, et ses discours saturés d’idéologie, il échappe à tout échange de points de vue en dehors du cercle des initiés. Pour l’opinion publique et ses relais, seuls comptent les résultats, les médailles, les euphories collectives, les émotions sans pensée. La politique et l’intelligence sont mortes dès que l’on en « revient au sport »
   Comment un phénomène social aussi massif, aveuglément valorisé, peut-il être accepté comme allant de soi ? L’opposition des extrêmes (l’exaltation sans nuance des performances/la détestation farouche) sert l’anti-intellectualisme, les croyances et les préjugés. Non, le sport n’est pas un jeu neutre, innocent, anodin et vertueux ; il est porteur de représentations du monde et participe largement à la normalisation des corps et des esprits. En le présentant comme une bulle autonome surplombant la société, on oublie les conditions historiques et sociales de sa naissance et son fonctionnement comme « appareil de contrôle hégémonique et inerte » (Jean Chesneaux).
  Encore faut-il s’entendre sur le mot. Le sport doit être défini clairement et scientifiquement. Définir c’est rompre avec les notions de sens commun, tracer une frontière et exclure du sport ce qui lui ressemble et qui n’en est pas. Les sociologues sont au moins d’accord sur ce point : le sport est une situation motrice compétitive (avec compétitions à tous les niveaux désignant vainqueurs et vaincus), codifiée c’est-à-dire qui a ses règles (ce qui exclut les pratiques dites libres) et institutionnalisée (à l’intérieur des fédérations). Toute activité physique n’est donc pas du sport : le facteur qui fait sa tournée à bicyclette ou les ami(e)s qui se retrouvent après un repas pour courir tranquillement en bord de mer ne font pas de sport.
   Pierre de Coubertin était clair dès les années 1920 : « Le sport est le culte volontaire et habituel de l'effort musculaire intensif appuyé sur le désir de progrès et pouvant aller jusqu'au risque (…). Il lui faut la liberté de l'excès. C'est là son essence, c'est sa raison d'être, c'est le secret de sa valeur morale».
    Derrière ces mots, c’est une partie de la philosophie coubertinienne qui s’exprime : le culte du dépassement et du risque, la vocation à l’excès qui se donne aux forts et exclut les faibles et les femmes. Pédagogue de l’être, Pierre de Coubertin, à travers l’Olympisme, a une ambition qui va bien au-delà du sport et des Jeux : un projet d’éducation complète, une mission culturelle mondialiste, la croyance en une humanité harmonieuse symbolisée par le sportif. L’Olympisme est un « humanisme stoïcien », une « philosophie de la vie » (mots inscrits dans la Charte), et son idéologie se veut génératrice d’une profonde révolution morale.
   Le sport est une vision du monde ; il distille à flots les valeurs de l’ordre établi en leur donnant une existence pratique quasi naturelle. Il est un moyen d’exacerber l'individualisme et le mérite personnel, de promouvoir l'idéologie du don et le culte du chef, de faire l'apologie du rendement, du travail libérateur, de la douleur et de la souffrance, et de rendre acceptable l'inégalité, le cynisme du plus fort, le mépris des faibles, l'âpreté au gain. Avec le sport, l’idéologie dominante est intériorisée par les masses ; elle devient un moule de comportement, une seconde nature. Quand le fait sportif  s’incorpore, il se transforme en inconscient social.
   L’histoire du sport est celle d’un échafaudage idéologique : l’idéal olympique fondé sur l’universalité et la fraternité, et inspiré de la Grèce antique. À écouter ses chantres, l’esprit sportif irradie en tout être, et une lumière primitive et naturelle brille pour montrer à tous les hommes la splendeur des origines. La raison sportive nous fait contempler dans son essence la beauté des vérités éternelles : la franchise, la loyauté, le désintéressement dans l’ambition, la modestie dans la victoire, la sérénité dans la défaite, la chevalerie en toutes circonstances. Au commencement est le sport olympique antique dont la pureté, la perfection et l’universalité sont d’emblée saisies comme un idéal transcendant.
   Les « amis du sport » oublient une chose : l'idéal sportif est un oxymore. L’activité sportive est incompatible par nature avec ledit idéal. Le sport dit ce qu’il n’est pas (un univers enchanteur) et ne dit pas ce qu’il est (un outil de domination). Hommes politiques, militants progressistes et plus largement tous ceux qui rêvent d’une société plus humaine doivent combattre en eux-mêmes cette « volonté de ne pas savoir » sur le système sportif. Un système qui ne pourrait pas fonctionner sans un « esprit du sport » c’est-à-dire sans une adhésion subjective des individus, y compris celle des non-sportifs.
                                                                                      

lundi 28 mars 2011

    Rectificatif - Prépa Sciences Po et IEP 2012 - Thème du sport
Le thème du Sport étant retenu pour le concours Sciences Po 2012, le Centre d'Analyse Critique du Sport (CACS) propose aux étudiant(e)s intéressé(e)s de dialoguer* sur les  grands thèmes (sport et argent, sport et violence, sport et intégration, sport, foule et émotion, sport et progrès, sport et liberté, sport et religion, etc.). Sur simple demande, le CACS peut envoyer la liste des ouvrages qui composent sa bibliothèque riche en documents (une belle bibliographie) et des photocopies sur des sujets particuliers.  Michel Caillat,  responsable du CACS et auteur de divers ouvrages de sociologie du sport - participe également sur demande à toute conférence-débat (voir la rubrique conférence du blog).
. Seule condition : l'adhésion au Centre d'Analyse Critique du Sport (15 euros).
   Un espace inopportun a rendu l'adresse inutilisable. Il faut donc lire :
Pour tout renseignement  :
. (de préférence) adresse électronique : lecacs@live.fr
. téléphone : 06 82 57 55 73 (laisser un message sur le répondeur)
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* Le dialogue se fera au téléphone aussi longtemps et aussi souvent que le souhaitera la personne intéressée par l'échange et par les réponses  aux  questions qu'elle se pose.

samedi 26 mars 2011

Organiser un débat pour réfléchir au sport, phénomène social majeur de notre temps

« Fait social total » qui mobilise des millions de personnes sur la planète, le sport échappe encore à la réflexion. Or, le sport n’est pas un jeu neutre et anodin mais une vision du monde. Vous n’êtes pas convaincu ? Les conférences-débats du Centre d’analyse critique du sport (CACS) vous permettront de bien comprendre les enjeux politiques, économiques, idéologiques et culturels du phénomène sportif.

   Personne ne peut le nier : le sport sature notre espace et notre temps. Or, malgré ses centaines de millions de licenciés sur la planète (15 millions en France), ses milliards de téléspectateurs, son intégration totale à «l'économie-monde», son implacable marchandisation, sa puissance idéologique et son omniprésence dans la vie quotidienne, il reste un sujet méconnu et tabou.
    Sportifs et non-sportifs, hommes politiques, intellectuels, « glissent» sur l'institution soit par amour aveugle, soit par dangereux désintérêt de connaissance  (« le sport je m’en moque, ça ne m’intéresse pas »). Ce qui est possible pour l’Ecole, la Famille, l’Eglise et d‘autres institutions (l'armée, l’hôpital) à savoir le démantèlement du consensus ne l’est pas pour le sport. Pourquoi ?
  Le Centre d'Analyse Critique du Sport pense qu’il n’est plus possible de laisser hors de la réflexion le  champ sportif. Le sport (défini comme pratique compétitive, codifiée et non comme simple activité physique) n’est pas un jeu anodin et innocent mais une institution et une vision du monde. La pratique et le discours sportifs dictent des comportements, créent des besoins, modèlent les corps et les esprits. Pierre de Coubertin l’avait bien compris.
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Pour toute information sur l'organisation d'une conférence-débat, cliquer sur l'onglet conférence-débat en haut de la page d'accueil.