vendredi 13 mai 2011

Le terrible consensus

"Ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue"

                                                                   Simone de Beauvoir
         
Par Michel Caillat

   Le débat sur l’affaire dite des quotas aura permis de voir une nouvelle fois comment le débat sur le sport est esquivé. La communauté sportive a fait bloc pour tenir le discours habituel sur les prétendues valeurs du sport, ses dévoiements et ses excès. Comme nous l’écrivons souvent, “l’amoureux du sport cherche non seulement à ce que le consensus porte sur les valeurs du sport mais aussi sur les frontières qui circonscrivent le débat”. Et les médias dans leur très grande majorité alimentent le discours de sens commun qui plait aux sportifs et n’est que très rarement discuté par les non-sportifs (pour eux, le sport est “hors sol”).
    Le fléau principal n’est pas là où l’on pense : il est dans cette volonté de sauver le football et le sport en toutes circonstances en parlant de perversions, de déviations, de détournements sacrilèges. Or, la question majeure est la suivante : le racisme du sport est-il un détournement sacrilège ou le produit de la pratique sportive (dite de compétition) ? Que nous enseignent l’histoire et la sociologie de l’institution ?
    Le sport ne meurt ni de ses morts ni de son racisme. Pire, il les intègre à son spectacle sans jamais remettre en cause ses propres fondements.
   Nous connaissons la riposte de nos adversaires: “Vous êtes extrémistes”. C’est le seul argument de ceux qui n’en ont pas, et qui refusent consciemment ou inconsciemment tout débat sur le sujet. Pour eux, le sport n'est pas un phénomène social ; il est, il va de soi, il est incontournable et indiscutable.
Nous avons tort puisque nous voulons dialoguer.
   En sport, le scandale est de parler d’un Idéal (l’esprit sportif, l’idéal olympique), cette pure construction idéologique.
    Et ce qu’il y a de scandaleux dans ce scandale, c’est qu’on s’y habitue. On s’habitue au fossé toujours plus grand entre ce qui est et ce qui est dit de ce qui est.
En sport, on s’habitue à la collusion avec les pires régimes (fascisme, nazisme, dictatures), on s’habitue à l’argent fou, on s’habitue aux inégalités scandaleuses, on s’habitue à la casse physique et mentale principalement chez les jeunes, on s’habitue à la tricherie, à la corruption, au dopage, on s’habitue au racisme et au sexisme, on s’habitue au mensonge et aux idées reçues (le sport facteur d’intégration, de liberté, de fraternité, de loyauté, de pureté, etc.), on s’habitue à l’anti-intellectualisme.
   En sport, le scandale est la censure des uns, le silence et l’aveuglement des autres.
   Si tu veux être écouté aujourd’hui il faut créer... le scandale (au sens minuscule de “buzz”). Mediapart a su le faire.
   Débattre sérieusement sur le sport, ses fonctions, ses valeurs, son idéologie, c’est beaucoup moins porteur...

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